Barcelone. Paul Conway, homme d’affaires américain et ancien actionnaire de l’AS Nancy Lorraine, est détenu depuis le 20 mai dernier dans une prison espagnole. Une incarcération brutale, inattendue, mais surtout lourde de conséquences pour celui qui fut à la tête d’un empire de clubs européens à travers sa société Pacific Media Group. Aujourd’hui, il est visé par un mandat d’arrêt européen émis par la justice belge, dans le cadre d’une enquête pour fraude aggravée liée à la faillite du KV Ostende.
Un businessman déchu
À 55 ans, Paul Conway ne s’attendait pas à ce que son escale d’affaires à Barcelone tourne au cauchemar. À peine débarqué en Espagne, il est arrêté et placé en détention provisoire sur la base d’un mandat émis in absentia par un juge d’instruction de Flandre occidentale. L’affaire concerne principalement des transferts douteux de joueurs et des mouvements financiers suspects entre plusieurs clubs dont Conway possédait des parts minoritaires — notamment Ostende, Nancy, et Barnsley.
Parmi les faits reprochés, l’achat en 2021 de l’attaquant Mickaël Biron à Nancy pour 5 millions d’euros, alors que le joueur a été immédiatement prêté… puis revendu un an plus tard pour moitié prix. Selon les enquêteurs, ce type d’opération pourrait cacher un soutien déguisé aux finances de Nancy, alors en grande difficulté pour maintenir sa licence professionnelle. Le journal belge Het Nieuwsblad, dans un article de juillet 2022, aurait éveillé les soupçons.
la gestion de Pacific Media Group en toile d’araignée
Le modèle de Pacific Media Group reposait sur l’acquisition de clubs moyens à faibles coûts, pour ensuite les développer via une stratégie de valorisation de jeunes talents et de jeu intensif, avant revente. Mais à partir de 2022, le château de cartes s’est effondré : relégation de Barnsley, chute financière d’Esbjerg, liquidation d’Ostende, perte de contrôle à Den Bosch… Le groupe ne possède aujourd’hui plus que des parts non majoritaires dans Kaiserslautern, Thoune, Barnsley et Nancy, sans cohérence stratégique apparente.
Paul Conway, quant à lui, reste derrière les barreaux à Barcelone. Ses avocats ont empêché un transfert immédiat vers la Belgique, mais la procédure d’extradition est en cours. Les charges portent notamment sur des « coûts inhabituels » au bénéfice de clubs français, un virement d’un million d’euros à un cabinet d’avocats français, et des remboursements suspects. Des éléments que la famille de Conway conteste catégoriquement.
la famille est en état de choc
Louisa Conway, l’épouse de Paul, a comparé la situation à celle d’un personnage des Misérables de Victor Hugo : « Paul est jeté en prison sur la base de soupçons, sans faits établis, ni audition préalable. C’est un abus de pouvoir pur et simple. » Selon elle, son mari ne détenait que 7,5 % d’Ostende et 2 % de Nancy, et n’a jamais eu les pleins pouvoirs au sein des conseils d’administration.
Elle pointe également du doigt une certaine hypocrisie : « Pourquoi le mandat d’arrêt ne vise-t-il que Paul ? Pourquoi aucun des dirigeants belges n’est-il inquiété ? » Le fait que Conway soit américain ne serait pas étranger à cette stigmatisation, selon la famille.
Quelles suites à l’affaire ?
Les tensions sont vives. Alors que les avocats du dirigeant se mobilisent en Espagne, aux États-Unis et en Belgique, l’affaire est loin d’être terminée. Conway approche de son 40e jour de détention, sans mise en examen formelle. La justice belge campe sur ses positions. La police locale et le juge d’instruction n’ont pas répondu aux sollicitations de la presse.
Pour les supporters de Nancy, Barnsley ou Ostende, ce nouveau scandale laisse un goût amer. Si certains y voient une vengeance bien orchestrée, d’autres estiment que ce type d’investisseur a précipité la mort lente de clubs historiques, vidés de leur substance au nom d’un football spéculatif.