Il est difficile de ne pas ressentir une pointe de nostalgie en se remémorant cette époque où Eric Cantona, avec son caractère bien trempé et ses éclats de génie, dominait les terrains de football. C’était la fin des années 1980, un temps où le football français était en pleine transformation, et où Cantona quittait le cocon familial de Guy Roux à Auxerre pour rejoindre les rangs de l’Olympique de Marseille, le club de son cœur.
Un jeune talent en effervescence
Nous sommes en 1986, un été chaud en Pologne, où un jeune Cantona, au sein de l’AJ Auxerre, se forge sous l’œil avisé de Guy Roux. En pleine démonstration de sa maîtrise du ballon, il est la proie d’un acte répréhensible : un œuf lancé avec mépris. Ce geste déclenche un incendie intérieur chez le jeune joueur, mais avant que l’incident ne dégénère, Roux, tel un sage gardien, apaise le feu. Le regard fier et bouillonnant de Cantona marque les mémoires, un souvenir indélébile d’une bataille évitée de justesse.
la neige, un antagoniste inattendu
En février 1987, un autre épisode se joue sur fond de blancheur hivernale, où la neige devient l’ennemi commun à Auxerre. Alors que joueurs et staff s’escriment à dégager le terrain, Cantona se heurte à l’arrogance de Bruno Martini. Refusant de s’abaisser à une telle tâche, Martini devient la cible de Cantona. Un coup d’éclat plus tard, et c’est le célèbre Guy Roux qui, une fois encore, jongle avec les mots pour éteindre l’incident, prouvant que pour Cantona, respect et dévotion priment sur l’indifférence.
Un tacle qui va rentrer dans l’histoire
Avril 1988, sur un terrain bouillant de passions, une rivalité ancienne transforme le match en bataille. Une provocation tacite, suivie d’un tacle ravageur, et Eric se voit éjecté. Une scène digne des tragédies antiques où la tension atteint son paroxysme. Au-delà des actions, c’est la maîtrise des émotions qui se révèle dans la chambre des commissaires, où Cantona, dépouillé de son armure, se défend avec une désinvolture nerveuse.
Des mots forts ! et une suspension
L’année suivante, un simple oubli devient l’étincelle d’une explosion médiatique. Eric qualifie presque Henri Michel de « sac à merde », s’attirant les foudres d’un monde du football stupéfait. Derrière le choc des mots, c’est la profondeur de la déception qui s’exprime, une pièce par trop humaine jouée sur un terrain d’honneur et de nationalité. Au lendemain, l’homme se révèle, humble et conscient de ses excès, mais les rouages de la machine fédérale se mettent inexorablement en marche.
Pourtant, dès son arrivée à l’OM, des tensions se faisaient déjà sentir, culminant avec cette célèbre altercation où il traita son sélectionneur de “sac à merde”, une sortie fracassante qui lui coûta une suspension d’un an de l’équipe de France.
Le match clé de la canebière
Entre déboires sportifs et éclats de personnalité, la carrière marseillaise de Cantona fut marquée par un épisode symbolique.
Lors d’un match amical contre le Torpedo Moscou pour aider les victimes d’un tremblement de terre en Arménie, Cantona, sous la pression d’un public hostile et sur un terrain gelé, perdit son sang-froid et jeta son maillot au visage de l’arbitre.
La réaction ne tarda pas : le président de l’OM, Bernard Tapie, homme de poigne, vit dans cet acte une trahison, scellant ainsi le départ de Cantona vers les Girondins de Bordeaux.
Le destin aventureux de Cantona
Si son passage à Bordeaux fut relativement calme, celui à Montpellier fut intense et mouvementé, mêlé de tensions avec Jean-Claude Lemou, aboutissant à un incident où Cantona jeta ses crampons sur son coéquipier.
Pourtant, cette saison tumultueuse se termina par un triomphe en Coupe de France, un premier titre historique pour Montpellier qui marqua la carrière du joueur d’un souvenir positif. Cantona, malgré ses écarts, restait une figure incontournable du football français.
Un retour en bleu et de nouveaux défis
Le chapitre suivant de la carrière de Cantona se déroula sous le maillot bleu de l’équipe de France. De retour en grâce sous Michel Platini, il s’illustra lors des qualifications pour l’Euro 1992. Pourtant, sa relation avec Platini demeura tendue, ponctuée d’épisodes houleux comme lors de son remplacement en Islande, qui faillit compromettre son avenir en sélection.
En parallèle, son second passage à Marseille se solda par une impasse : un désaccord avec Raymond Goethals et une opposition présumée aux méthodes controversées de Bernard Tapie l’exclurent définitivement du projet marseillais.
Le dernier acte en france
C’est finalement à Nîmes que Cantona vécut son dernier épisode français. Recruté par Michel Mézy, il espérait retrouver la sérénité. Mais lors d’un match contre Saint-Étienne, une nouvelle déception se transforma en éclat de colère. Sanctionné de quatre matchs pour avoir jeté le ballon sur l’arbitre, puis de deux mois pour avoir insulté la commission de discipline, il annonça sa retraite anticipée. Cette décision marquante précéda son départ pour l’Angleterre, point de départ d’une carrière légendaire outre-Manche.
…mon avis sur Eric Cantona
Au-delà des scandales et des frictions, il est indéniable qu’Eric Cantona fut un joueur d’exception, dont l’impact sur le football français est encore aujourd’hui discuté. Sa carrière, bien que ponctuée de moments de tension et d’instabilité, révèle un homme passionné, parfois incompris, qui s’affirma au gré de ses convictions et de son franc-parler. En le condamnant pour ses excès, oublions-nous parfois ce qu’il apporta de grandiose à ce sport ? Sa capacité à transcender un match, sa créativité sans limite, sont des qualités qui pourraient être mis en avant plus souvent.
Cantona, personnage clivant s’il en est, mérite d’être vu pour ce qu’il fut : un artiste sur le terrain, avec tous les caprices et les élans de ceux que la passion consume. Avons-nous réellement trouvé, en lui jetant la pierre, les réponses à ses éclats ? Ou devrions-nous plutôt saluer un homme qui, à sa manière, incarna l’âme rebelle du football français? Ma conviction penche pour la seconde option. Ses erreurs ne devraient pas faire oublier l’impact colossal de son passage en ligue française.