70 000 euros promis en cas de remontée en Ligue 1. Pour convaincre Mahmoud Jaber, milieu du Maccabi Haïfa, l’AS Saint-Étienne a mis en place un mécanisme de prime individuel inédit dans son histoire récente. Simple coup de com’ ou levier stratégique capable d’attirer les meilleurs joueurs en Ligue 2 ?
Un bonus à 5 chiffres, pour un pari à 6 chiffres
À première vue, la prime peut sembler modeste dans l’univers du football professionnel. Pourtant, en Ligue 2, un bonus individuel de 70 000 € n’est pas si courant. D’autant qu’il est lié à un objectif collectif, la montée, et attribué à un seul joueur. Ce choix interroge : pourquoi Jaber, et pas un système généralisé pour l’ensemble du groupe ? La réponse se trouve sans doute dans la négociation serrée qui a entouré son transfert depuis le Maccabi Haïfa, et dans le profil du joueur.
Une incitation ciblée plutôt qu’un levier collectif
Dans une stratégie économique de Ligue 2, chaque euro investi doit générer une plus-value. Les clubs n’ont pas les moyens de proposer des primes collectives démesurées comme en Ligue 1. En ciblant un joueur-clé avec une motivation financière supplémentaire, l’ASSE cherche ici à maximiser son impact terrain. Jaber, profil d’intensité, milieu structurant, est attendu comme un catalyseur de performance. Ce type de clause peut fonctionner si le joueur est moteur dans l’équipe. À condition toutefois qu’il ne devienne pas un cas à part dans le vestiaire.
Est-ce que ça fonctionne vraiment ?
Les primes de performance dans le sport sont un classique. Mais leur efficacité dépend du contexte. Des études comme celle de Vallerand et Thill (1993) en psychologie de la motivation ont montré qu’une récompense monétaire peut améliorer la motivation extrinsèque… à condition qu’elle ne pervertisse pas la motivation intrinsèque, c’est-à-dire le plaisir de jouer ou la volonté de se dépasser pour soi-même et pour l’équipe. Si un joueur ne pense qu’à son bonus, l’effet peut être contre-productif.
Autre risque souligné par les chercheurs en sciences sociales : la perception d’injustice par les coéquipiers. Pourquoi certains auraient un bonus et pas d’autres ? Cela peut nuire à la cohésion du groupe si ce système n’est pas clairement assumé par le club. Cela explique pourquoi cette stratégie est généralement utilisée avec parcimonie et pour des profils très ciblés.
Une méthode pour attirer des talents en ligue 2 ?
Jaber évoluait jusqu’ici au plus haut niveau israélien et dispute régulièrement les compétitions européennes. Accepter un projet en Ligue 2 française peut donc paraître, de l’extérieur, comme un pas en arrière. Mais ce bonus, en plus d’un contrat de quatre ans, sert ici de compensation symbolique et stratégique : “Tu nous aides à monter, tu en seras justement récompensé.”
D’un point de vue sportif, ce type de clause peut devenir une arme de recrutement pour des clubs aux ambitions élevées mais aux moyens limités. Une montée en L1 assure mécaniquement une hausse de budget, de droits TV et de visibilité. Un bonus bien calibré, inclus dès la signature, est donc un investissement potentiellement rentable à moyen terme.
Faut-il généraliser ce type de clause ?
Oui, mais sous conditions. Si les clauses individuelles de montée sont utilisées à bon escient — pour sécuriser une signature déterminante ou récompenser un profil clé — elles peuvent devenir un outil différenciant dans un marché très compétitif. Les clubs de Ligue 2 qui visent la montée pourraient s’en servir pour attirer des joueurs étrangers ou des profils expérimentés encore réticents à descendre d’un cran.
Cependant, leur efficacité repose sur la clarté du projet collectif, la transparence envers les autres membres du groupe, et surtout la capacité du joueur à réellement faire la différence. Sans cela, le risque de fracture interne ou de flop sportif reste élevé.
En résumé
✔️ Le bonus de 70 000 € accordé à Mahmoud Jaber est un levier d’attractivité malin, qui traduit une évolution des méthodes de recrutement en Ligue 2.
⚠️ Mais son efficacité dépendra de l’impact réel du joueur, de sa capacité à porter le collectif… et de la façon dont cette exception est perçue par les autres joueurs.
🎯 Si bien utilisé, ce type d’incitation pourrait devenir un modèle vertueux pour les clubs ambitieux mais limités financièrement. À condition que le résultat suive.